Vintimille

Vintimille, la méconnue

A près Menton la luxuriante, la chaleureuse, où les ocres et les orangés se marient avec l'azur et la verdure, c'est le choc. Passé le tunnel du Cavo le regard embrasse l'entrée de Vintimille. Une impression de désordre et de grisaille domine. Grisaille des voies ferrées qui s'entremêlent avec l'échangeur de l'autoroute, grisaille des façades, de la montagne.

Dans la ville moderne, l'impression se renforce. Les immeubles uniformes n'incitent pas à lever la tête, d'ailleurs c'est impossible tant la circulation est chaotique. À pied, ce n'est guère mieux, surtout les jours de marché. Les rues grouillent littéralement d'une foule affairée et bigarrée : Italiens, Anglo-saxons égarés, Africains, Maghrébins, Chinois et Indiens se côtoient mais s'ignorent. Pour la majorité des Français, Vintimille c'est LA ville de la contrefaçon pour le plus grand bonheur des vendeurs à la sauvette et des douaniers de La Turbie. Rolex de pacotille sacs LV., sont, ou plus exactement étaient car depuis 2007 les marchands ambulants sont interdits, proposés à des prix défiants toute concurrence.

Les amateurs peuvent toujours se rabattre sur les forains autorisés qui vendent cuirs et parfums contrefaits ou aller dans les boutiques asiatiques qui fleurissent dans le centre-ville aux côtés des négociants d'alcools et des « bazars Marrakech ».

Les Français adorent l'Italie, le Campari, le café espresso doux et amer, les monuments, l'ambiance, la gastronomie, les vins, mais ce ne sont pas, et de loin, les touristes préférés des Italiens, toujours à rechigner sur la quantité, la qualité du service, l'hygiène (alors que les Italiens pourraient en terme d'hygiène alimentaire nous donner des leçons) et surtout, surtout ils ont toujours raison. Ils considèrent dans leur majorité les Italiens avec condescendance. Ce ne sont pas des travailleurs, ils bâclent leur travail, sont des beaux parleurs, etc. "Les Italiens, ils ne savent pas créer, mais de ce sont de bons imitateurs" ai-je entendu un jour à la table voisine de la mienne dans un restaurant de Vintimille. Et Michel Ange, Léonard de Vinci, Enzo Ferrari, Guccio Gucci ou Umberto Eco, sont-ils Français ?

Une autre fois, en faisant la queue pour un paquet de cigarette, une Française s'exclama "Ils pourraient quand même parler français" ; essayer de lui faire comprendre que nous sommes à l'étranger et que nous pourrions apprendre, nous aussi, quelques rudiments d'italien fut peine perdue. Les amis italiens à qui j'ai relaté cette anecdote m'ont tous répondu la même chose : "Vous les Français, vous êtes comme ça car vous avez eu des colonies".

marché de vintimille marché de vintimille

Le marché aux légumes

Des Français, à Vintimille on en trouve à tous les coins de rue. Même la superette "Billa" encore protégée de l'invasion francophone est envahie depuis peu. Avec l'augmentation du prix de la vie, ils sont nombreux à venir y acheter les produits de première nécessité bien moins chers qu'en France. En Italie où il n'y a pas de salaire minimum, un salaire moyen est d'environ 900€. Ici tout ce que le pays produit se déploie en rayons multicolores : oeillets de la Riviera dei Fiori, raisins, olives, champignons. Sans oublier les artichauts violets de Sicile, les pastèques de Toscane, les pêches du Piémont. Massimo, le marchand de fleurs de Vallecrosia, offre des petites orchidées aux passantes, et un fabricant de vins aux herbes propose de déguster son nectar à qui le veut. Il est bien placé à côté d'un étalage de saucissons, à déguster aussi. A l'approche de la semaine sainte certains producteurs arrondissent leurs bénéfices en vendant des rameaux de palmiers en forme de croix, de bénitiers, de vases ou de poissons qui seront bénis et portés en procession.

Depuis le passage à l'euro, les commerçants ont appris le français, du moins suffisamment pour négocier les prix avec des acheteurs chauvins toujours prêts à discuter la fraîcheur de la marchandise contre un petit rabais. Vous pouvez goûter, inspectez tant que vous voulez, le produit est toujours frais et irréprochable. A l'automne, on achète les cèpes à la pièce et on vous les coupe longitudinalement afin que vous vérifiez de vos propres yeux la qualité, libre à vous de l'accepter ou de le refuser s'il ne vous plaît pas. On vous en proposera un autre. L'un d'eux a décoré son stand d'une affiche un peu grivoise représentant une pin-up avec ses "melons", un autre a affiché tous les portraits des joueurs de Squadra Azzura victorieuse en 2006 et celui de Zidane avec cette interrogation : "Viva Zizou ? Pourquoi ?" écrite au marqueur noir indélébile sur un pilier.

Ailleurs, les clients s'attroupent devant le stand numéro 14 appartenant aux fabricants de pâtes Moreno dont le laboratoire est installé à quelques mètres de là. Tout ce que vous avez imaginé, tout ce que vous avez rêvé sur les pâtes se trouve sous vos yeux, Gnocchi di pattatine, al pesto, ravioli à la bourrache, à la Ricotta, au mascarpone, à la truffe, fettuccine et j'en passe. La marchande connaît ses habitués et met toujours bon poids à moins que cela corresponde à la portion normale pour un Italien.


Vintimille possède aussi des lieux agréables,
comme le parc municipal en plein centre ville

Vintimille, ville nouvelle

Vintimille jardin public

Ci-dessus
Le nouveau Vintimille ne manque pas de charme
si l'on prend le temps de regarder
Ici un fronton et le jardin public face à la mairie

A gauche:
Sur le marché l'on trouve des fleurs
fraîches à toutes saisons et à des prix défiants toute
concurrence .



Ci-contre :
Sur le marché aux légumes ,
rendez-vous de nombreux Français,
ambiance et qualité sont toujours au rendez-vous.
Depuis le passage à l'euro, les
marchands ont appris quelques mots de
français pour vanter la qualité de leurs produits.




Vendeur de fruits au stand décoré des portraits
de la Squadra azurra victorieuse .
Sur un pilier cette inscription :
“pourquoi Zizou, pourquoi?”



Ci-dessus:
vue générale de la vieille ville
Qui croirait qu'elle abrite de superbes église ?

ruelle de la vieille ville de vintimille

cathedrale de vintimille

vintimille_cathedrale
Eglise Saint-Michel de Vintimille

vieux vintimille

vintimille vue generale
vintimille
vintimille marina

Ci-dessus:
Trois vues de Vintimille:
vers le nord, Le littoral et la marina.


Ci-dessus :
un vendeur de poissons ambulants et son
"po-po". Au printemps, ces vendeurs proposent de la poutine, des alevins de sardines très appréciés en ligurie et sur la Côte d'Azur.


Ci-dessus :
L'allée latérale avec les
stands des producteurs locaux


Ci-dessous :
L'entrée du marché

L'entrée du marché de Vintimille

chevet de la cathedrale de vintimille

chapelle dans vintimille

vieux vintimille

Le chevet de l'église et sa crypte
et un des nombreux autels de la vieille ville de Vintimille

vieux vintimille

vieille ville vintimille


vieille ville de Vintimille

Renseignements pratiques :
GPS: 43°47'25.59"N - 7°36'25.83"E
Habitants : 25 450


http://www.comune.ventimiglia.it
http://fr.wikipedia.org/wiki/Vintimille

Visiter la galerie photo sur Vintimille :

galerie vintimille

Cette chronique est consultable en format
brochure sur Calaméo :
Vintimille

Vintimille sur Calameo

Retrouver ces chroniques dans mon livre
"Bonjour les Italiens"



Contact :
italie.chroniques@gmail.com

Retour vers la liste des chroniques
Retour vers le haut de page


A Vintimille vous trouverez aussi en cherchant un peu dans les rues moins passantes, l'artisan disparu en France, l'horloger qui possédera encore les pièces de votre pendule héritée de votre ancêtre, l'encadreur qui aura la patience et le savoir-faire pour retoucher le cadre en stuc de votre nature morte du XVIIIe siècle. Le jour du grand marché, le vendredi, c'est la mêlée, y compris sur la route. Toutes les voies d'accès sont engorgées. Les habitués évitent, les touristes affluents. Les grands week-ends et le mois de décembre sont aussi particulièrement chargés.

Les courses faites, les Français envahissent les terrasses des cafés et des restaurants. J'ai mes habitudes au "Café de Paris " ou au "Cavalieri" près du marché. Ce dernier ne propose que des panini, tous excellents. Le Boscaiolo aux champignons et à la crème de truffe, le Tuttesole avec de la tapenade et des tomates séchées sont mes favoris. Mais je vais le plus souvent au premier car avec le Negroni sabglato ils servent un assortiments d'amuse-bouches excellents et les employés sont très attentionés avec leurs clients..

Je préfère toujours la salle à la terrasse abandonnée aux touristes. L'ambiance y est plus vivante et plus typique. La jeune fille qui entre avec un "Ciao tutti" à la cantonade, la gamine du patron qui mange comme quatre sur une table au fond, les vrais habitués qui discutent, caccaiare en italien (faire comme les oiseaux) face à l'effigie du Padre Pio coincée entre deux bouteilles. Observer les Italiens prendre leur espresso est un vrai bonheur. Car ils ne le boivent pas n'importe comment, c'est un rituel. Celui-ci se déguste debout et rapidement. Une première gorgée, puis on fait tourner le breuvage dans la tasse et cul sec. Quand je demande, un peu d'eau chaude pour mon café, je m'attends toujours à la même réaction : un petit sourire en coin et un regard rieur qui a l'air de dire : "ah ces Français, des petites natures à l'estomac sensible", surtout si cette demande vient d'un homme.

Depuis novembre 2007, une étrange épidémie se répand entre les restaurants de plages : les incendies. Entre Bordighera et Vintimille j'en ai compté au moins cinq en quatre mois, depuis début 2010 ils se propagent à San Remo et à Bordighera. Au début on se dit que le chef cuistot n'est pas très prudent, puis inévitablement on pense à autre chose : la mafia. Les Italiens ont horreur d'en parler. "C'est la mafia" me dit Roberta en parlant des problèmes des ordures à Naples mais, travaillant dans un café en Menton, elle n'évoquera jamais le sujet pour son propre compte. Dario, serveur à Latte, désabusé, lui le crie haut et fort "ici aussi, il y en a. Que croyez-vous ?. Ils vous brûlent votre restaurant. Si vous êtes seul vous pouvez encore résister mais si vous êtes marié ils s'en prennent à votre femme, vos enfants". De fait, un dimanche matin je flânais en face d'un des nombreux bazars Marrakech de la ville quand j'ai vu un homme, la cinquantaine portant des Ray Ban et vêtu d'un loden bleu pénétrer dans la boutique. Je l'ai remarqué car il n'avait pas le genre de la clientèle habituelle constituée de mères de famille et de touristes. Après quelques minutes, il s'est installé à la porte du magasin, attendant visiblement un complice. Celui-ci ne s'est pas fait attendre. La quarantaine élégante, vêtu du même manteau, entre la sortie de la messe et le déjeuner en famille, il est descendu de sa Lancia laissant sa femme et son fils à quelques mètres de moi. Et là, a commencé une étrange conversation sur le pas de la porte avec le gérant de la boutique. Le plus âgé s'est mis à surveiller les aller et venus dans la rue tandis que son "collègue" juste derrière lui avait une conversation très ferme, gestes à l'appui, avec le gérant visiblement très effrayé. Cela a duré près d'un quart d'heure puis les trois hommes se sont séparés, l'un retournant dans son magasin, l'autre poursuivant son chemin sur le trottoir et le troisième remontant dans son véhicule avec un grand sourire à sa femme comme si de rien n'était. Fin de l'anecdote.

ruelle du viex vintimillela vieille ville

La vieille ville

Rares sont ceux, et moi le premier, qui s'interrogent sur les origines de la ville. À peine si l'on remarque les ruines d'un théâtre à la sortie de la commune. Impossible en effet pour le touriste de passage de s'imaginer qu'il arpente l'antique decumanus bordé de thermes et de maisons cossues de la prospère et élégante Albintillium romaine. Vintimille la vraie, ne se dévoile progressivement qu'à celui qui s'y attarde suffisamment.

Après ma première visite de nombreux Italiens m'avaient apostrophé en criant "Moulta, moulta" qui signifie amende, PV, lorsque je voulus garer mon véhicule. Je n'y suis pas revenu pendant plusieurs semaines, perturbé par cette vie désordonnée. Dans l'affolement, perdu dans la circulation, j'ai même pris un panneau bleu "Chiuso" pour le nom d'un lieu-dit.

Mais peu à peu on se surprend à trouver la vieille ville pittoresque avec le linge aux fenêtres et l'on se dit, poussé par la curiosité, qu'il serait peut-être intéressant d'aller voir derrière ces murs délabrés et délavés.

Ce jour là, un de ces matins d'hiver où le ciel et la mer jouent à celui qui sera le plus bleu, après avoir laissé la voiture en contrebas, j'arrive à l'entrée de la porte fortifiée. Il me semble que la notion du temps a changé : il s'est dilaté. Disparus la presse, l'excitation et le vacarme de la ville basse. On joue aux boules, on papote, on se chauffe tranquillement au soleil. Quelques petits vieux regardent les produits d'un camion immatriculé en Sicile transformé en épicerie ambulante. On marchande la qualité des harengs salés, du vin en jerrycan, de l'affinage du fromage fumé sans apparemment se soucier des conditions de transport et de conservation de ces denrées.

Une fois la porte franchie, c'est encore un autre monde. Sans transition, la lumière cède la place à la pénombre et la température chute de plusieurs degrés. Instinctivement je rabats mon manteau et relève le col. Les aplats du ciel au-dessus de ma tête ne font qu'augmenter la sensation de hauteur des murs, l'étroitesse des rues et ma solitude. Aucun bruit ne vient troubler la résonance de mes pas, aucun mouvement à l'exception de quelques déplacements de rideaux sur mon passage.

Les façades pour la plupart vétustes se succèdent sans aucune monotonie. Ici, un oratoire fleuri à la Vierge, là, des fougères ont élu domicile dans les anfractuosités d'un mur - ce qui en dit long sur l'humidité et l'ensoleillement des lieux. La rue principale, la via Garibaldi, est bordée en son centre par un jardinet dont l'exubérance des plantes m'étonne. Des bananiers s'étirent vers la lumière et des chats paresseux se prélassent dans les rares coins ensoleillés.

Une dame âgée s'intéresse à moi ; elle passe et repasse en me dévisageant toujours un peu plus. Au troisième passage elle ose m'adresser la parole. On échange quelques mots sur les plantes, les chats, le climat et elle s'éloigne rassurée. C'est vrai qu'ici les touristes ne montent pas. Avec mes yeux bleus, les Italiens me prennent d'abord pour un Anglais. En général au bout de quelques secondes les doutes s'évanouissent et quelques mots en italien, même avec un accent exotique, suffisent à lever toute inquiétude. Et si vous ajoutez que vous êtes "da Mentone, tra Nizza e Ventimiglia", à Naples, à Rome ou à Palerme on vous considère comme à moitié Italien. Menton n'est pas la dernière ville française mais la première italienne.

Des bruits de voix me guident vers une épicerie au rez-de-chaussée d'un ancien palais. Derrière les cagettes on distingue encore les restes de fresques baroques. De ruelles en ruelles et après quelques égarements, la perspective s'élargit devant l'église Saint-Michel. Les piliers de la crypte ont été taillés à partir de bornes miliaires de la via Aurélia. Attiré par la crypte, je découvre un univers souterrain de « presepi », de santons, installés là le temps des fêtes de Noël. Un petit village haut en couleurs avec ses vieux métiers, ses traditions séculaires qui tranche avec la monochromie de la pierre.

Aujourd'hui, il y a du monde, la messe vient de se terminer, c'est raté pour les photos. En sortant je remarque une statue avec un scapulaire, chose que l'on ne voit plus guère en France. Une voisine, gardienne improvisée, qui m'a rejoint en toute discrétion - je me demande bien d'où elle sort - se réjouit que nous Français nous sachions ce que c'est. Elle m'offre contre une obole - il faut bien entretenir les lieux - une image pieuse.

A ma sortie, l'esplanade de l'église Saint-Michel est baignée par le soleil, dans la semi obscurité des ruelles j'avais fini par oublier qu'il faisait beau. Les rues se sont remplies de monde. De l'autre côté de la vieille ville, via Cavo s'élève la cathédrale dont la fondation remonte au VIIIe siècle. C'est l'un des plus beaux édifices romans de la Ligurie. Sous le choeur, dans la crypte on aperçoit les soubassements du haut Moyen Age et des pierres tombales gravées de symboles. Les derniers échos de la messe qui vient de se terminer ne descendent pas ici. Je ne sais si c'est le volume confiné mais le lieu me semble chargé d'émotions. A l'extérieur au pied du chevet des oliviers et des palmiers chétifs me font penser au Mont des Oliviers. Nous dominons la ville moderne et aucun bruit ne monte jusqu'à nous. Toute proche et si lointaine.

Vers l'introduction retour à l'index vers la liste des chroniques