De Trapani à Marsala
Les salines de Sicile, leurs reflets éblouissants sous le ciel bleu, les couchers de soleil incandescents sur les marais-salants, c’est à cela que je pensais en réservant à un agroturismo à Pacheco. Je me voyais déjà sous une pergola fleurie à déguster un plat de pâtes ou une pizza à l’heure du dîner.
En fait, l’exode rural a vidé des dizaines de bourgades en Sicile qui sont devenues des villes fantômes aux maisons fermées et aux commerces désertés. Pacheco fait partie de ces villes. Un tabac, une station service ouverts et c’est tout. Arrivé vers 20h00 au volant d’une voiture immatriculée en Allemagne (qui n’est pas la meilleure chose pour nouer le dialogue mais qui donnera lieu à d’amusants quiproquos) une Italienne me proposera gentiment de me guider jusqu’à mon auberge. “Ce n’est pas loin, mais vous ne trouverez jamais” me dit-elle en montant dans sa voiture.
L’Antico Baglio de Pacheco est une oliveraie au bord des salines. J’arrête ma voiture sous les oliviers, l’endroit m’évoque la Camargue. Le réceptionniste m’attend entouré de ses chats. La chambre est simple mais fonctionnelle et propre. Le dîner est copieux et le petit-déjeuner à volonté.
Corso Vittore Emmanuelle à trapani, le dimanche matin.
Les salines de Trapani sous la pluie.
Trapani
Dès le premier abord j’ai aimé Trapani. Sa situation à dix minutes de Pacheco, son animation, ses boutiques et ses restaurants. Le nom de Trapani vient du grec “drepana” qui signifie faucille en raison de la forme de la presqu’ile sur laquelle la ville est bâtie. Trapani est entièrement tournée vers la mer. C’est ici qu’Ulysse découvre des hommes vivant comme à la préhistoire. Ce fut un port phénicien puis romain. Son économie est liée depuis toujours à la mer : port thonier, récolte du corail et du sel ; aujourd’hui c’est une escale pour les croisières.
Ce samedi soir de mai, Trapani vibre au rythme de la passegiatta. Les terrasses des cafés sont bondées. Un restaurant corso Vittore Emmanuele retransmet un match de foot (Naples Palerme), un attroupement s’est formé. Les clameurs envahissent la rue, la musique déborde des terrasses tandis que des psaumes et des chants religieux s’échappent de la cathédrale San Lorenzo en face.
Un peu par hasard je choisis un restaurant I Vitelloni. Le personnel très accaparé prend le temps avec chaque client. Le dîner ? l’un des meilleurs restaurants d’Italie. Au menu : Espadon en croûte d’amande, couscous sicilien, pâtes aux asperges. Excellent avec une présentation soignée. Il sera mon restaurant pour le reste de mon séjour à Trapani.
Les salines
Le lendemain, en cinq minutes depuis l’Antico Baglio, je suis au milieu des salines sous une pluie battante. Malgré cela, les tas de sel protégés par des tuiles conservent leur luminosité. Dans le musée-restaurant on s’affaire. Le personnel dresse au moins deux cents couverts pour le déjeuner, une communion peut-être. Le personnel n’a pas le temps à me consacrer. Je repends donc ma route vers les salines Ettore et Infersa en face de l’île de Mozia à 20 kilomètres au sud de Trapani.
Je traverse des dizaines de villages fantômes. Un accident à eu lieu et un scooter est couché au milieu de la route entraînant un petit embouteillage. Les riverains assurent la circulation alternée. Quatre heures plus tard au retour, le scooter sera toujours au milieu de la route, les riverains toujours là et la police, enfin, occupée à dresser les constats.
Bassins et sel à Mozia.
En arrivant à Mozia, le ciel s’est dégagé. La lumière est magnifique, dans les bassins des milliers de petites étoiles scintillent sous le soleil, les tas de sel sont éblouissants. Au milieu des salines sont élevés des moulins, ils permettaient de pomper l’eau hors des bassins.
Salines de Mozia. Les moulins
servaient à pomper l'eau de mer hors des bassins de décantations.
Marsala
Arrivé à marsala en fin d’après-midi. Après le repas dominical la ville s’éveille doucement. Marsala a été fondée au Ive siècle par les Carthaginois et devint capitale de Sicile après la conquête romaine. Marsala fut une tête de pont importante pour le trafic entre l’Europe et l’Afrique. Elle prit le nom de Mars-el-Allah (port de Dieu) pendant l’occupation arabe au Ixe siècle. Puis elle s’endormit doucement à partir de la Renaissance. Marsala m’a fait l’effet d’une bourgade de campagne avec ses boutiques démodées comme il en existe encore en France. Impression peut-être faussée par l’heure de mon arrivée. Si Marsala n’a pas disparu de l’histoire c’est grâce à son vin qui, dès le XVIIe siècle, concurrence les vins de Madère et de Porto. Mais c’est à Trapani que je réussirai à en déguster.
Salines de Mozia.