Suse
J’étais impatient de découvrir Suse. De la Renaissance au début du XXe siècle, Suse était la porte de l’Italie. Artistes, écrivains, armées, aventuriers, tous passèrent par là à une époque ou à une autre pour conquérir ou profiter des merveilles italiennes. Je m’attendais donc à trouver des traces de tous ces voyageurs, célèbres ou pas. La taverne des futurs prix de Rome aux murs garnis de gravures, l’auberge où Goethe ou Napoléon passèrent la nuit, la place où Châteaubriand trouva l’inspiration lors de son voyage à Rome, ou que sais-je encore. Le seul souvenir d’une célébrité, c’est à Mussolini que la ville le doit. C’est qui, en effet, fit ériger la statue de l’empereur Auguste (63 av – 14 ap J.C.), sur le tracé de via Lattea, l’empereur domine la cité, le regard dirigé vers le sud, vers la péninsule italienne.
Suse était une ville florissante pendant l’antiquité. Un an avant sa mort, l’empereur fit élever l’arc de triomphe qui porte son nom à l’entrée de la ville antique. La frise représente une procession d’animaux conduit à un sacrifice lors d’une cérémonie, sans doute en l’honneur de la paix conclue entre Auguste et Cottius, un dignitaire local. Les vestiges de l’acqueduc sont plus tardifs du IVe siècle.
La porte de la ville a de beaux restes ; elle me rappelle celle de Turin. Elle est adossée à la cathédrale du Xe siècle dont le titre remonte à 1772. Au XIIe siècle la nef est agrandie jusqu’à englober l’enceinte de la ville. L’extérieur est aujourd’hui très sobre, mais des fragments de fresques à plusieurs endroits prouvent qu’elle était décorée. Je ne verrai pas l’intérieur et son maître-autel en marbre. Elle est fermée. Pas de visite donc, mais pas de visiteurs non plus.
A 16h00 en plein mois d’août, les rues sont désertes. Il est vrai qu’en Italie, surtout l’été, les villes se réveillent vers 19h00 au moment de la passegiatta. Les rares personnes sont des touristes de passage, comme moi. Nous sommes rassemblés à la terrasse d’un des seuls cafés ouverts.
En sirotant ma bière, je me dis que si Suse était florissante, jadis, grâce aux échanges commerciaux, elle n’est aujourd’hui, comme autrefois, qu’une ville de passage – les bénéfices en moins. C’est une petite ville que les voyageurs ont hâte, à tort ou à raison, de quitter pour découvrir là bas au Sud leur Italie rêvée.