Paestum la cité endormie
Pour Paestum, 2 mn d'arrêt au milieu de nulle part. Le train régional s'arrête au milieu des champs, seul un panneau sur la gare indique la présence de la cité disparue. Et pourtant quelle cité ! Quels temples ! Je suis là avec 3 ou 4 touristes à une heure où la campagne à perte de vue est encore recouverte de rosée et silencieuse, les oiseaux somnolent . Derrière la gare une petite route rectiligne bordée d'herbes folles mène à la cité grecque. 800 mètres de marche une fois passé l'antique porte de la ville. Les remparts s'étendent sur plusieurs centaines de mètres de chaque côté, laissant deviner les hectares restant à explorer. Avec de telles fortifications, j'ai peine à croire qu'à l'image d'Angkor ou les cités mayas, elle ait été oubliée pendant des siècles.
Au bout de 20 mn de marche, les premières boutiques apparaissent, tourne à droite, tout droit et l'on aboutit irrémédiablement sur les souvenirs. Que seraient les sites archéologiques sans ces boutiques ? Ce sont ces cabanes qui cachent les temples. Pour le touriste c'est l'indication qu'après le bus, le train, la marche à pied sous 40°c (à Agrigente) qu'il touche au but. A défaut de ramener un authentique vase grec, les magnets, les fausses monnaies et autres babioles sur son frigo lui rappelleront ces heures de transpiration, de découvertes et d'émerveillement.
Le temple de Cérès au fond, au premier plan la voie sacrée avec des fleurs sauvages.
La nature reprend ses droits
A peine entrée, je me dirige vers le temple de Cérès , l'Athenaion, construit il y a 2500 ans. C'est là que se déroulaient vers le 15 août de notre calendrier les fêtes de Panthénées. Aujourd'hui avec la colonne votive voisine et les arbres qui l'entourent, il constitue un joli prétexte à une photo mais il n'a rien perdu de sa majesté. En fait, autant, j'avais trouvé Agrigente aride (je l'ai visité en octobre), autant je trouve Paestum champêtre. Harmonie entre l'ocre des pierres et le vert primevère de la végétation ; contraste entre l'hiératisme des monuments et le mouvements des feuilles sous la brise. L'herbe et les feuillages de printemps, les pissenlits, la bourrache et l'asphodèle en fleurs lui donne un air de ville endormie. De l'autre côté de la cité, les temples Héra et de Neptune semblent avoir été posés là par une main invisible.
Au fil des pas cependant, la ville antique se dévoile le long de la voie sacrée : derrière les assises des murs des maisons subsistent des fragments de mosaïques, le forum, le théâtre, l'amphithéâtre et surtout la piscine avec son labyrinthe aquatique. Vers le milieu de la voie sacrée se trouve un petit édifice à demi enterré entouré d'une petite muraille. Seule sa toiture est apparente. C'est le Sacellum et sa zone sacrée. Reprenant l'architecture des tombes, c'est un cénotaphe construit par les habitants de Sybaris réfugiés à Paestum après la destruction de leur cité par Crotone en 509 av. J.C.
Le cénotaphe à demi enterré et la piscine avec le labyrinthe aquatique
Arrivé au pied des temples d'Héra et de Neptune, le vertige me prend devant leurs dimensions. J'admire l'appareillage des pierres, je m'amuse à perdre mon regard dans les perspectives des colonnes doriques. Assis sur les ruines du Thésauros au milieu des chants d'oiseaux, des lézards aux aguets, je passe de longues minutes à les admirer, j'imagine la ville qui s'étend au-delà de la clôture sous le musée.
Le temple de Neptune
Le Musée Archéologique de Paestum possède deux sections, grecque et romaine. Cette dernière à l'étage, est délaissée par les visiteurs, las peut-être d'avoir parcouru la cité antique de long en large. C'est dommage car elle abrite de belles statues. Au rez de chaussée, la visite commence par un musée lapidaire, des fragments de sculptures, jolie occasion de voir des métopes et des acrotères de près. Les gardiens n'interdisent pas les clichés. Une aubaine ! Comme au musée archéologique de Naples pour Pompéi, le puzzle se met en place et les habitants de cette cité antique prennent vie. Une cuirasse et une ceinture en bronze sont conservées, elles en disent plus que toutes les reconstitutions télévisées. Et puis c'est le choc.
Les fresques extraites des tombes, des pleureuses, des courses de chars, des combats, des banquets aux couleurs à peine défraîchies, des actions saisies en plein mouvement. Je reste admiratif devant la gestuelle de ces conducteurs de chars. Et, dans une salle : le "Plongeur". Il est là, saisi en plein vol, parfait équilibre entre le motif et le vide qui l'entoure. Tandis que les scènes de banquets figuraient sur les parements de sa tombe, la scène du plongeur ornait le couvercle. Les sportifs étaient célébrés sous la Grèce antique. Et jusqu'au Ve siècle avant J,. seuls les hommes d'origine nobles pouvaient exercer une activité sportive. Ensuite la pratique du sport s'est démocratisée. Ici nous sommes assurément en présence d'un athlète de haut niveau. Il plonge dans la Méditerranée mais aussi vers l'au-delà, un passage vers une autre dimension.
La tombe du Plongeur à Paestum
Moi aussi en sortant, je reviens au présent avec plein d'images dans la tête. Contrairement aux autres cités ensevelies près de Naples, Pompéi et Herculaneum, je n'ai pas l'impression d'avoir visité un sanctuaire, un cimetière mais plutôt une ville endormie où la nature reprend ses droits.
Temple de Neptune