Matera, des logis préhistoriques aux refuges des Bobo's
Matera est une ville isolée de Basilicate à deux heures de routes en bus de Bari, à la frontière avec les Pouilles.
Elevée au bord d’un ravin, l’eau y est abondante, elle s’accumule au fond d’une gravine. Ce réservoir naturel, l’aspect défensif du relief attirèrent les premiers habitants dès le Néolithique (vers 9000 av J.-C. – 3300 av . J.-C.). C’est peut-être en raison de la précocité de l’occupation du lieu que les Grecs le nommèrent “Meteoron”, la Mère.
Grottes de Matera occupées depuis le Néolithiques.
Passé la ville nouvelle et ses immeubles préfabriqués, l’on arrive sur la piazza Vittorio Veneto où les archéologues ont mis à jour une partie de la ville antique. Un trou béant permet de jeter un œil. Des voûtes, des couloirs se succèdent et se poursuivent dans les entrailles de la cité. Depuis cette place l’on domine aussi l’ensemble de la ville avec les “sassi” ces maisons à moitié troglodytes. Et de l’autre côté du plateau où est bâtie la cathédrale romane (1230-1270), l’on aperçoit les grottes qui surplombent le ravin.
Au fil du temps les premières grottes ont été transformées en églises, puis en étables lorsque des habitations furent construites au-dessus, le niveau inférieur servant de soubassement à la nouvelle construction. Matera n’est pas une ville, c’est un inextricable empilement, une stratigraphie monumentale.
Eglise Santa Maria de Idris de Matera
Pour accéder au centre ville, il faut descendre des escaliers abrupts qui me semblent interminables. Dans cette cuvette, aucune perspective, il faut lever les yeux à la verticale pour apercevoir le ciel. Pas un arbre, pas un arbuste, ni même un brin d’herbe y pousse. C’est un univers uniquement minéral, même les coquillages sont fossilisés dans les parois, témoignage d’un déluge antique ou plus logiquement d’une plage de l’ère primaire ou du crétacé. Aucun bruit non plus, presque personne dans les rues. Alors que sur la place les gens vaquaient à leurs occupations dominicales – petit expresso, lecture du Corriere de la Serra et papotage – ici personne.
C’est dans ce décor intemporel que Mel Gibson a tourné des passages de son film La Passion du Christ en 2004. C’est vrai que l’étroitesse des ruelles, les églises taillées dans le roc, la couleur du tuf peuvent évoquer la Jérusalem biblique.
Sassi inoccupé à Matera. Jusqu'à la Libération, les habitants vivaient dans ces pièces aux côtés
de leur bétail. Aujourd'hui, ces sassi sont restaurés et transformés en chambres d'hôtes avec tout
le confort et le luxe d'un hôtel haut de gamme.
A la Renaissance et au siècle des Lumières, certaines maisons se parèrent de volutes, de courtils, des palais sortirent de terre sur les zones limitrophes. Matera devint-elle pour autant civilisée ? Pas du tout, à la sortie de la seconde guerre mondiale, l’Etat italien procéda à une expulsion en masse de la totalité des habitants en raison de l’insalubrité des lieux. En Italie, la vétusté, la pauvreté ont fait et font encore partie du paysage mais pas la saleté. En 1950, Matera ne disposait pas d’eau courante, de tout à l’égout, les habitants vivant encore comme au Moyen Age voire comme à la préhistoire, dormant sur la paille aux côté des animaux de basse-cour.
Matera devint une ville fantôme. Puis, comme ailleurs en Italie dans les villes abandonnées, quelques artistes y installèrent leur atelier profitant du faible coût des murs. Vinrent les anciens habitants trop heureux de se réapproprier la demeure de leurs ancêtres. Certains ayant le sens des affaires, aménagèrent les sassi en chambres d’hôtes insolites avec un luxe insolent contrastant avec le dénuement des habitats troglodytes voisins.
Aujourd’hui, Matera est une cité irréelle où les vestiges néolithiques côtoient des intérieurs luxueux, où des habitants démunis partagent leurs sassi avec de riches designers ou architectes milanais. Classes sociales, chronologies diverses s’y entrechoquent dans un climat étrange.
Une ruelle et la ville de Matera