La Reggia
Lorsque je suis descendu du train à Caserta, j'ai eu peine à croire qu'à quelques mètres de la gare était érigé l'un des plus grandioses, l'un des plus prestigieux monuments d'Italie, la Reggia, tant l'endroit m'a paru miséreux. Des hommes, dont je ne sais toujours pas s'ils étaient sans domicile fixe ou simplement désoeuvrés tant leur apparence était sale, allaient et venaient près de la gare.
Au premier abord le palais m'est apparu austère avec sa grande façade néoclassique d'ordre composite surmonté d'une balustrade cachant les toitures. On y pénètre par une arcade au centre dans l'axe de l'allée centrale, sorte de grand vestibule où les pas et les voix résonnent. Là, j'ai commencé à prendre conscience de l'immensité du palais. Les cascades que j'aperçois à l'extrémité du jardin sont à plus de 3 km et je suis au centre de monumentaux couloirs en forme de croix reliant les quatre façades du bâtiment, un quadrilatère de 252 x 200 m., de 1200 pièces !
Salle du trône de la Reggia de caserta - Détail du plafond.
Lorsque Charles III d'Espagne (1776-1788) devient, en 1734, roi de Sicile et de Naples, il rêve d'édifier un palais magnifique qui rivaliserait avec Versailles et le palais de Schönbrunn de Vienne. Son choix se porte sur la petite ville de Caserta, Naples étant à ses yeux trop vulnérable aux attaques.
La construction commence en 1752 sous la houlette de Luigi Vanvitelli (1700-1773) fils du peintre hollandais Gaspard Van Wittel. Les matériaux sont acheminés à dos d'ânes, de chevaux mais aussi d'éléphants et de chameaux. Après le décès de L. Vanvitelli, c'est son fils qui achèvera l'édifice en 1847.
Contrairement à la logique, du moins à la mienne, l'entrée ne se fait pas dans l'axe mais à droite depuis le vestibule par l'escalier d'honneur, un ouvrage majestueux à deux volées décorés de lions de marbre et d'une statue représentant la Maesta Regia. Puis, à quelques pas de là, la salle du trône. A l'abandon pendant plus de 50 ans, c'est le roi de Naples François Ier qui en confia le projet à l'architecte Pietro Bianchi di Lugano en 1824. Il s'agit d'une longue galerie rythmée par des pilastres cannelés dont les dorures se reflètent sur les marqueteries de marbres au sol. En 1838, on supprima les effigies du roi pour les remplacer par une fama (Renommée) en bas relief.
Entrée des appartements royaux.
Viennent ensuite les appartements royaux du XVIIIe siècle où les grands volumes laissent la place à des pièces plus petites. Au cours du siècle des Lumières les souverains d'Europe privilégient les espaces plus intimes. La théâtralité du quotidien imposé par l'étiquette de l'Age baroque, avec par exemple le lever et le coucher du roi, n'a plus lieu d'être. Les princes et les rois désirent désormais profiter de moments privés.
- Ci-dessus et photo de titre: la Reggia de Caserta, salle du printemps.
Je pénètre dans les "Salle des saisons"aux voûtes décorées de fresques animées et fleuris. Dans la salle du conseil le plafond est rythmé de délicats camés en trompe-l'oeil aux camaïeux de rose et de bleu. Au centre est disposée une table de style rocaille recouverte de velours cramoisie. Dans l'ancienne salle d'audience dite du "printemps" des putti joyeux célèbrent la musique et la poésie. Dans la salle de l'été, Proserpine sort de l'Erebe pour se présenter à Céres. L'artiste Antonio Dominici a choisi la rencontre entre Ariane et Bacchus pour symboliser l'automne tandis que son confrère Fischetti a préféré celle de Borée et Orithye pour l'hiver.
La Reggia de Caserta, salle de l'Automne, Ariane et Dionysos.
Dans la salle du conseil des appartements de Ferdinand Ier de Bourbon la voûte dite à la pompéienne est ornée de candélabre, pots de fleurs et oiseaux . Elles sont datées de 1782, soit presque vingt ans après que l'on ait identifié le site de Pompéi et en pleine période néoclassique au cours de laquelle l'esthétique romaine influence profondément les arts.
La Reggia de Caserta, salle de l'Automne.
Suit ensuite l'appartement de Marie-Caroline, quatre petites pièces d'inspiration rocaille avec des cariatides feintes entourant un monde de Vénus et de grâces.
Je passe de salle en salle la tête en l'air tant je suis ébloui par tant de finesse et de fraîcheur. Nous sommes loin des fresques et des peintures pariétales louis-quatorzièmes avec le roi en Mercure, etc. Comme à Versailles les peintres devaient exalter les vertus de Charles et Ferdinand de Bourbon à travers l'antiquité et la mythologie, mais ici pas de pathos ni de démonstration grandiloquentes. Les thèmes sont allègres, légers et m'évoquent certaines oeuvres de Fragonard et de Watteau.
La Reggia de Caserta, appartements de Marie-Caroline.
Le parc
La Reggia de Caserta, la Peschiera grande et, au fond, les cascades avec les statues de Diane et Vénus.
Les jardins ont été pensés dès le départ par Luigi Vanvitelli comme une extension naturelle à la Reggia. La première partie est réalisée sur des jardins de la Renaissance. Ici ce ne sont pas les plantes qui sont mises en valeurs mais l'eau comme élément dynamique et perspectif. Creusée dans l'axe du palais en 1769, la Pescheria grande, le grand bassin, est le dernier élément d'une scénographie commençant par des cascades. L'eau s'écoule sur plus de trois kilomètres depuis les cascades en une gigantesque perspective mouvante. Elle est alimentée par un aqueduc guidant l'eau sur près de trente kilomètres en amont.
La Reggia de Caserta vue depuis le parc..
A pied ou en calèche, il faut un certain temps pour arriver au sommet des cascades. Diane, Vénus, Adonis, Actéon ou du moins leurs statues, vivent là, au milieu des rochers à l'abri des regards des passants, des Napolitains profitant des bosquets et des premiers rayons de soleil en ce dimanche de Pâques. Dominant depuis ces hauteurs la destinée des humains, comme les dieux depuis l'Olympe.
Caserta, la Reggia salle de l'Automne
Caserta Vecchia La petite cité médiévale de Caserta Vecchia est à 10 kilomètres de la ville moderne. Il faut prendre un petit bus, ligne n°103, près de la gare pour y accéder. Après quelques détours dans la ville, le bus s'élance dans les collines. Au bout d'une route sinueuse on arrive sur un plateau d'où l'on domine toute la ville moderne et la Reggia. C'est là qu'est établie Caserta vecchia. La forteresse de Caserta Vecchia contrôlait toute la plaine et formait un verrou avec l'arrière-pays de Naples. Aujoud'hui, ils subsitent toujours des murs imposants et surtout le donjon haut d'environ trente mètres.
le donjoin de Caserta vecchia
En ce lundi matin d'octobre le village est désert. Les restaurants, les cafés, à l'exception d'un seul, sont fermés. Les boutiques aussi. Et le bedeau me fermera la porte du dôme au nez, l'heure du déjeuner n'attend pas ! J'apprendrai un peu plus tard qu'ici, "on mange bien" et que les restaurants ne désemplissent pas du week-end. Cette solitude ne me dérange pas, au contraire. Un îlot de calme après l'excitation et le bruit de Naples.
Le village tient dans un mouchoir de poche mais les édifices sont anciens, possèdent de nombreux détails dignes d'intérêt : ici des lions surmontent un portail, là ce sont des jeux de polychromies sur l'église, ailleurs ce sont des voûtes en tiers points d'une maison seigneuriale ou la récupération d'une pierre romaine.
Il ne faut rater le bus du retour, il n'y en a pas beaucoup. Un chien libre comme il y en a beaucoup en Campanie vient me tenir compagnie. D'abord craintif, il saute presque de joie quand je l'appelle. Il va me tenir compagnie jusqu'à l'arrivée du bus puis, à l'approche de celui-ci, suivra un habitant du village. Le bus doit partir à 15h30 mais à 15h45, le chauffeur est toujours en train de prendre un café. Qu'importe l'heure, ici on profite du temps présent. Carpe diem.
Détail de la polychromie de la coupole du dôme
Reggia di Caserta, façade néoclassique, avant-corps
central surmonté d'un fronton triangulaire et ordre monumental composite.
Détail d'un plafond : Dionysos (Bacchus).
Salle des Saisons aux trompe-l'oeil imitant les camés.
Les plafonds des appartements de Marie-Caroline
sont décorés de Vénus et de grâces.
Les Appartements de Marie-Caroline .
Salle du conseil de la Reggia détail de la table.
Effet perspectif sur les jardins depuis le vestibule
de l'entrée de la Reggia.
Des calèches permettent d'atteindre l'autre extrémité
du parc sans avoir à marcher pendant des heures.
Détail d'une des muses de la fontaine Margherita.
La peschiera grande des jardins de la Reggia.
Comme à Naples, à Procida, à Pompéi, des chiens
se promènent dans le parc de la Reggia et dans les
rues de Caserta.
Détail du parc de la Reggia. Des allées latérales
mènent vers le village juste derrière les haies mais
aussi vers le jardin anglais du parc.
Diane, Vénus
en haut des cascades.
Plan du rez-de-chaussée de a Reggia de Caserta
Le plan et cliché ci-dessus sont
extraits du livre de
L. Maggioni (voir la bibliographie).
Repères : Actéon : son père l'initia à la chasse. Se prétendant supérieur
il offensa Artémis qui le transforma en cerf.
Il fut dévoré par ses chiens. Adonis : Adonis perdit la vie comme il la reçu :
sous la charge d'un sanglier qui l'attaqua. Ariane : Amoureuse de Thésée elle l'aida à
s'enfuir de crète. Thésée l'abandonna et elle
rencontra Dionysos (Bacchus) qui l'épousa. Bacchus : Dieu du vin et de l'extase libératrice.
Divinité la plus importante
du monde grec pendant la période héllénistique. Borée : vent du nord. Il enleva Oritye pour la séduire. Ceres : Divinité représentant le pouvoir
générateur de la terre. Diane : Déesse italique, protectrice des
êtres sauvages et des femmes,
souvent
assimilée à Artémis. Erèbe : Fils de chaos, il se rapporte davantage aux enfers qu'à un personnage. Orithye : Nymphe. Proserpine : Déesse italique de la terre.
La rue principale de Caserta Vecchia.
Détail d'un chapiteau sur une porte.
Renseignements pratiques : Caserta : GPS: 41°04'30"N - 14°20' 07" E
78 669 habitants
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