Images pieuses
“Si tu es sage, la semaine prochaine, je te donnerai celle avec la Vierge et les roses” me disait ma grand-mère ou le prêtre qui me faisait le catéchisme quand j’étais petit. Moi, c’était moins le message religieux qui m’intéressait que les dorures sur les bords. Mes sœurs ont conservé quelques temps l’image de leur première communion dans leur portefeuille. Le lendemain de leur communion, les filles cranaient avec leurs images pieuses dans la cour d’école primaire. Nous, on aurait préféré voir l’appareil photo Kodak ou la montre offerte à cette occasion.
En feuilletant les missels de mes grands parents et arrières-grands parents, j’en ai retrouvé beaucoup. Elles n’étaient pas placées là au hasard. Elles marquaient un évènement particulier, une prière ou un passage qu’ils relisaient régulièrement. Il y aussi les images de neuvaines, ces périodes de dévotion sur neuf jours, avec au verso les neuf journées à cocher. Certaines images à caractère parternalistes font aujourd'hui sourire, comme ces petits Chinois qui prient la Vierge ou Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, patronne des Missions.
Aujourd’hui quand je vais en Italie, j’en ramène une ou deux parfois offertes par les religieux eux-mêmes comme les sœurs du Gonfalon à Rome. La majorité sont imprimées en Italie.
Je n’ai pas connu l’époque où cette image apportait un réconfort à son propriétaire, identifiait sa douleur à celle du Christ, où l'on sentait guidé par les anges…. même si aujourd’hui on prie toujours sainte Cécile de Syracuse pour les yeux ousainte Agate à Catane. Pour ceux de ma génération l’image représentait un épisode des Evangiles ou de l’Ancien Testament.
A partir des années soixante en France le style et l’iconographie ont changé. Les personnages se sont mis à ressembler à des poulbots, les formes sont devenues plus synthétiques. Dans le même temps des symboles profanes, des chevaux, des fleurs, l’eau ont remplacé les saints. Avec l’arrivée de jean-Paul II et de François, les images de saints reviennent à la mode.
En Italie l’iconographie traditionnelle a perduré plus longtemps. L’image de l’ouvrier songeant à la Vierge au milieu des chaînes de montage m’a étonné. Elle a été imprimée en 1959 lorsque les communistes étaient au pouvoir en Italie (Don Camillo et Peppone ne sont pas loin).
A l’approche des fêtes pascales, des Rameaux et des communions les buralistes sortent leurs présentoirs. Mais pour combien de temps encore ? A San Remo il faut désormais aller dans des boutiques spécialisées. A Naples il y a la boutique de la famille Russo qui est très réputée.
Certaines images présentées ici sont plus que centenaires, elles appartenaient à mon arrière grand-mère la fille de mon aïeul italien. Ces images pieuses révèlent l’évolution des mentalités, de notre société. Elles prouvent aussi que leurs dessinateurs avaient compris –les Chrétiens l’avaient compris depuis les origines – l’importance des visuels sur nos émotions. Aujourd’hui ce sont les graphistes qui jouent sur nos sentiments à des fins politiques ou commerciales.