L'Olivier et ses dérivés
"Les Grecs préconisent, quand on plante et récolte l'olive, de faire accomplir le travail par des garçons
purs et des filles vierges : c'est, j'imagine, en se rappelant que la chasteté préside à l'arbre en question".
Palladius (IVe s. ap. J.-C.) Traité d'agriculture I.6
"Les feuilles d'olivier étaient fort appréciées des chèvres à la barbe longue qui aiment tant cet arbre qu'il semble
en ruisseler, pour elles, du nectar et de l'ambroisie ; or, il n'en est point qui donne une feuille si
amère au goût des hommes".
Lucrece De Naturae rerum.
Partout où l'on aille en Italie, à l'exception des provinces les plus au nord, l'olivier fait partie du paysage ;
sur les champs en terrasses de Ligurie, le long des routes de Toscane, sur les parcelles ceintes de murets
en pierre dans les Pouilles.
Mon premier contact fut gustatif, le jour où ma mère substitua l'habituelle huile de tournesol par de l'huile d'olive.
Je découvris alors cet arôme subtil et fruité qui apportait aux légumes le soleil qui leur avait manqué pendant
leur maturation. Puis j'appris à apprécier les huiles sur un petit morceau de pain et à essayer d'en distinguer
les différences selon leur provenance.
Plus tard enfin, vint le contact visuel et tactile avec cet arbre mythique : le frémissement argenté de ses feuilles
sous le Mistral, la délicatesse de sa petite fleur blanche, l'aspect tourmenté et noueux de son tronc, son bois veiné
si dur qu'Ulysse s'en servi pour tailler un pieu destiné à aveugler le cyclope polyphème, mais si doux si sensuel
lorsqu'il est poli.
Sur le marché de San Remo
il est possible de procurer des huiles de fabriques locales ou
venues directement de petits producteurs “Il nostro olio mosto” sur le cliché.
Quelques huiles produites en Ligurie
Les origines géographiques et mythologiques :
Si aujourd'hui l'olivier ( Olea europaea sativa ) borde la totalité des côtes méditerranéennes partout où la température
moyenne est égale à 15°c, son ancêtre l'oléastre ( Olea oleaster Hoffg et Link), l'olivier rustique, provient d'une
vaste région comprise entre le Caucaze, les cyclades et l'Arabie méridionale. Dans la Génèse (Gen. 43,11) les Hébreux
considèrent sa liqueur comme un des biens les plus précieux. Au IIe millénaire sa culture s'étend dans le bassin
Méditerranéen via les colonies grecques.
Sous le règne du roi légendaire Cécrops, Athéna et Poséïdon se disputèrent la souveraineté du territoire d'Athènes.
Pour les départager, les dieux leurs demandèrent de faire le don le plus utile à la cité. De son trident Poséïdon
fit apparaître un cheval, Athéna gagna le duel en faisant jaillir un olivier sur l'acropole et le Parthénon fut érigé
pour la remercier
et lui rendre un culte.
Chez les Romains le rameau d'olivier était souvent associé à la couronne de lauriers lors de l'ovation du petit
triomphe pendant les Ides de juillet. A Sparte, Athènes et Rome, on utilisait son huile pour l'éclairage, créer des parfums
et s'enduire
le corps, l'huile réduisant la déperdition d'énergie. Pline (XXIII, 38) conseille les feuilles d'olivier
contre les hémorragies, pour
soulager les inflammations de la bouche et des paupières. Il préconise aussi
de les appliquer broyées sur les plaies de
toutes sortes. C'est en 1938 que le docteur Mazet de Nice
découvrit les propriétés hypotensive des feuilles d'oliviers.
Dans le domaine des traditions, l'olivier passe en Italie pour éloigner la foudre et, jusqu'à une date récente, les jeunes
filles jetaient au feu des rameaux d'olivier pour savoir si elles allaient se marier. S'ils se retournaient ou sautaient
dans les flammes, les noces étaient célébrées dans l'année, s'ils brûlaient aussitôt, il fallait encore patienter.
Publicité pour un moulin à San Stefano - L'Italie compte plus de 5000 moulins (150 en France)
souvent des petites exploitations familiales, comme à Valloria où plusieurs portes de maisons
peintes représentent des scènes en relation avec les oliviers.
La production et la cueillette :
Si la production avait déjà commencé à baisser dès le début ddu XXe siècle, le grand gel de 1956 décima sur les
régions frontalières de la Côte d'Azur de nombreuses oliveraies. Après un mois de janvier anormalement doux,
la température chuta brutalement à partir du 2 février pendant plusieurs jours. Des plantations entières furent
abandonnées, des centaines d'arbres abattus. Depuis 20 ans avec les appellations A.O.C en France et D.O.C en Italie
favorisant la qualité et la mode des régimes méditerranéens, la production a repris sans atteindre cependant les
quantités d'avant 1956.
Les Pouilles avec la Sicile fournissent à elles seules la moitié des olives produites en Italie, deuxième producteur
mondial (après l'Espagne) avec 600 000 tonnes (en 2000). Mais contrairement à L'Espagne, l'Italie a conservé les
méthodes d'autrefois sur des petites exploitations familiales.
En Ligurie, en novembre et décembre on tend des filets sous les oliviers pour recueillir les olives
La couleur orange permet de mieux repérer les olives, mais certains filets sont verts ou blancs.
Autour de Nice et en Ligurie, la cueillette des olives commencent en automne quand les fruits commencent à tomber.
Les oléiculteurs étalent alors de grands filets sous les arbres et hâtent la chute des fruits en secouant les branches
avec une gaule de noisetier dont la souplesse ne blesse pas l'olivier. Il faut ramasser les olives chaque jour avant qu'elles
ne se gâtent, 200 kg étant le minimum pour mettre en route le moulin. Si dans les Pouilles on secoue les branches, c'est la bacchiatura, on préfère la cascola naturale, la chute naturelle ou la cueillette, la brancatura, avec des peignes à dents
très larges. Souvent récoltées à peine mûres, les olives italiennes donnent une huile fruité au goût vif.
C'est au restaurant "Il Giardino" de Lecce que j'ai découvert la saveur fraîche de la Corentina, l'olive des Pouilles.
Grosse et charnue, elle libère en bouche un suc rafraîchissant qui adoucit l'assaisonnement épicé qui l'accompagne.
La cailletier de Nice et la taggiasca de Ligurie se consomment souvent au sel selon la recette ci-dessous.